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Beijing hutong de shenghuo
24 novembre 2006

Dashanzi, 798 guang yishu qu

Dashanzi, site artistique de l'usine 798 (qijiuba guang yishu qu), Pékin

Le site est plus intéressant que ce que l'on peut y voir, même s'il recèle quelques perles. L'usine fumante est-allemande, ses labyrinthes de bâtiments en brique ras du sol, ses circuits de tubes qui se distribuent mystérieusement en embranchements successifs à deux ou trois mètres de hauteur le long des bâtiments, sa population mêlée d'artistes branchés et ratés, crève la faim ou snobs, d'étudiants aux Beaux Arts, de galeristes fauchés ou pleins aux as, de touristes et d'expats en quête de bonnes affaires (l'art contemporain chinois se vend de mieux en mieux) ou de curiosités, d'ouvriers laissés-pour-compte qui tentent de résister à coups de brouettes (voir le merveilleux documentaire fleuve de Wang Bin, West of tracks (Tiexi qu), 2002, pour une chronique du démantèlement des anciens complexes industriels chinois) et d'ouvriers qui triment pour rénover ces espaces industriels au profit d'amateurs friqués, d'affairistes éclairés ou de promoteurs opportunistes... tous entrelacent leurs gestes laborieux, lascifs, blasés, dans cet espace entre-deux-eaux au coeur de la ville. Quelques perles s'égrennent néanmoins au fil embrouillé de cet écheveau:

IMG_0223 - la silhouette d'un visage grossier de profil (AK47, alias Zhang Dali), qui marque un mur en brique, comme un profil en écho qui stigmatise à double les murs destinés à la destruction des hutong de Pékin. Ce visage bobet se superpose ainsi aux centaines de signes chai (destruction) qui dépeuplent les quartiers soi-disant insalubres du centre. Parfois, sa silhouette découpée à la hache et à la masse dans la structure de brique ou de ciment laisse apparaître les grues déjà au travail dans un champ de gravats ou un bout de ciel.

- les photographies d'un artiste suisse (???), qui superposent les images d'une super modernité triomphante (profusion d'enseignes lumineuses tokyoites, publicités pour des produits de beauté aux visages démesurés de béatitude juvénile, technicité arrogante des nouvelles bouches de métro ou des super-complexes commerciaux) et celles de la rampante misère inconnue et inadmissible: les mingong, population migrante d'ouvriers en rotation 24/24 sur les chantiers et dans les dortoirs, les mendiants sans bras, jambes ou mains qui s'aplatissent face contre terre en innombrables ketou (se frapper la tete contre le sol en signe d'humilité), les clochards chevelus qui fouillent les poubelles. Innocence du regard des uns et des autres cependant, qui opère comme une coupe transversale de compréhension: d'où je viens, où je vais? Le destin en desseins et dessins.

- L'exposition "Chinese on the train" de Wang Fuchun:

chinese_on_the_trainDes enfants endormis dans les bras de leur (?) grand-mère, les fesses à l'air, changés, nourris au sein, la morve au nez, crasseux, endimanchés, sérieux, joueurs, pleurant, riant, lisant, boudant, et, autour d'eux, l'indulgence inaliénable des adultes...
Des photos de mariage surdimensionnées qu'une mère ramène au village après une noce lointaine, des couples qui se forment, s'éternisent et se défont de part et d'autre d'une tablette supportant un thermos et un récipient rectangulaire de fer blanc qui recueille les pelures de fruits et les écorces de graines de tournesol, un homme et une femme qui regardent défiler les plaines par la fenêtre ou laissent leur regard se séparer dans le vague au travers du rideau de tulle, des amoureux qui se serrent sur la même couchette dure de 60 cm de large, des cheveux ébourriffés qui émergent d'une couverture, tandis qu'à l'autre bout les pieds s'emmêlent, des regards sans réponse qui se perdent dans un face-à-face éludé...
Des amitiés viriles autour d'un damier de plastique pliant, des complicités joueuses autour d'une partie de mahjong, des bonheurs enfantins, la tête passée par la fenêtre pour rire au vent dans les mornes plaines du Xinjiang ou du Qinghai...

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