Itinéraires parallèles
Itinéraires parallèles
Lectures qui font dériver le voyage
vers d’autres horizons ou vous y ramènent par d’étranges raccourcis de
l’espace, du temps et de la pensée…
Vicky Baum, Shanghai Hôtel (1949, Paris, Phébus libretto, 1997) :
Revenir en Chine quand on s’en
éloigne, reflets d’ambiance coloniale retrouvés dans l’architecture des
bâtiments jaunes et décrépis de Hanoi, dans l’atmosphère d’imaginaire
conspiration du Foreign Correspondents Centre de Phnom Penh.
Pékin-Nanning, Nanning-Hanoi, Hanoi, 16-18 janvier
Jean-Baptiste Del Amo, Une éducation libertine (Paris, NRF
Gallimard, 2008) :
La description des bouges de Paris
et de ses rues comme des égouts fournissent un répertoire non négligeable
d’adjectifs applicables à l’aube aux vestiges d’un marché ou aux relents
d’ordures qui s’exhalent au coin des ruelles.
La froide manipulation des âmes et
la torture physique : ouverture du procès du responsable de S21, la prison
des Khmers rouges, Phnom Penh, mardi 17 février 2009.
Hanoi, Hoian, 19-22 janvier
Jean-Marie Blas de Roblès, Là où les tigres sont chez eux (Paris,
Zulma, 2008)
Une nuée d’impressions directement palpables.
Des allers-retours dans le temps et l’espace.
"-... Et chez vous, il y a
aussi des jaguars dans la mata?
- Non.
- Et des tatous?
- Non plus...
- Des boas, des fourmiliers, des
perroquets?
-... Nous avons des trains à grande
vitesse, des Airbus et des fusées, Joao, des ordinateurs qui calculent plus
rapidement que nos cerveaux et contiennent des encyclopédies complètes. Nous
avons un grandiose passé littéraire et artistique, les plus grands parfumeurs,
des stylistes géniaux qui fabriquent de magnifiques déshabillés dont trois de
tes vies ne suffiraient pas à payer l'ourlet. Nous avons des centrales
nucléaires dont les déchets resteront mortels pendant dix mille ans, peut être
plus, on ne sait pas vraiment...Tu imagines ça, Joao, dix mille ans! Comme si
les premiers Homo sapiens nous avaient légué des poubelles assez infectes pour
tout empoisonner autour d'elles jusqu'à nos jours! Nous avons aussi des bombes
formidables, de petites merveilles capables d'éradiquer pour toujours tes
manguiers, tes caïmans, tes jaguars et tes perroquets de la surface du Brésil.
Capables d'en finir avec ta race, Joao, avec celle de tous les hommes! Mais,
grâce à Dieu, nous avons une très haute opinion de nous-même."
Là où les tigres sont chez eux (pp.326-327)
Hoian, Saigon, delta du Mékong (Ben Trê, île de Binh
An), Mui Ne, 23-30 janvier
Une relation dangereuse : une merde déprimante de plus à ajouter aux bénéfices
des hasards généralement malheureux des échanges de bouquins dans les guesthouses (il n’y avait même pas de
SAS qui s’ouvre automatiquement aux pages d’exploits sexuels exotiques…).
Mui Ne, 31 janvier-2 février
Philip Roth, Quand elle était gentille (1966, Paris, folio Gallimard, 1971)
Ouf, nouvel arrivage…
Saigon, 2-3 février
Don Delillo, Bruit de fond
Saigon, île de Phu Quoc, 4-6 février
Ian Rankin, Ainsi saigne-t-il (1995, Paris, folio Gallimard, 2000)
Ile de Phu Quoc, Chau Doc (delta du Mékong), 7-9
février
Raphaël Constant, Eau de café (Paris, Grasset, 1991) :
La langue chaleureuse mâtinée de
créole et surtout le rythme obsessionnel de la mer crainte à laquelle on tourne
le dos va définitivement mieux avec les vagues de la mer de Chine occidentale
qu’avec les relents figés du Mékong.
Chau Doc, Phnom Penh, 10-12 février – Mui Ne, 20-21
février
Graham Green, Le troisième homme
Phnom Penh, Siem Reap, Phnom Penh, Mui Ne, 13-19
février
Amitav Ghosh, Le pays des marées (2004, Paris, Laffont, 10/18, 2006)
« A la nuit tombante, le bateau
aborda un méandre menant à un large chenal. La rive opposée, à plusieurs
kilomètres de là, avait déjà sombré dans l’obscurité, mais, au milieu du
fleuve, se dressait une sorte de palissade flottante. Piya s’empara de ses
jumelles et découvrit qu’il s’agissait en fait d’un groupe de six barques de
pêche, de même facture que celle sur laquelle elle se trouvait. Les bateaux
étaient étroitement liés l’un à l’autre, bord à bord, et encordés contre le
courant par une multiplicité de bouts. Bien qu’ils fussent à plus d’un
kilomètre, Piya avait une vue très nette des équipages se livrant à leurs
diverses activités. Certains pêcheurs assis, seuls, fumaient leurs bidis ; d’autres buvaient du thé ou
jouaient aux cartes ; quelques-uns tiraient de l’eau de la rivière dans
des seaux en acier pour laver leurs vêtements ou des ustensiles. Une barque, au
centre du groupe, expédiait des volutes de fumée, et elle devina que c’était là
que devait se préparer le dîner en commun. Un spectacle à la fois familier et
curieux. Il lui rappelait des hameaux sur les rives du Mékong et de
l’Irrawaddy : là-bas aussi, à l’approche de la nuit, le temps semblait à
la fois s’accélérer et s’immobiliser, des spirales paresseuses de fumée
s’élevant dans la pénombre, tandis que des baigneurs descendaient en hâte vers
la rivière pour se laver de la poussière de la journée. Mais la différence,
ici, c’était que ce village avait déserté la rive et s’était ancré en plein
milieu du fleuve. Pourquoi ? » (pp. 102-103)
« Sous la peau de la poitrine
du pêcheur, les côtes saillaient telle les cannelures d’une boîte de conserve
débarrassée de son étiquette. L’eau formait des dessins autour de lui,
dégoulinant le long des contours de son corps comme d’une fontaine à étages.
Quand le père et le fils eurent
terminé, ce fut le tour de Piya. Un seau d’eau fut tiré et l’abri dissimulé par
le sari. Dans l’espace confiné du bateau, il n’était pas facile de changer de
place : impossible pour les trois occupants d’être debout en même temps,
et ils durent donc se mettre sur le ventre et se glisser en se tortillant sous
le taud cerclé, coudes, hanches et ventres mélangés. (…)
Piya émergea de l’autre côté pour
découvrir un fleuve vif-argent. Toutes les étoiles, à part les plus brillantes
avaient été obscurcies par la lune, et il n’y avait pas d’autre lumière, ni sur
terre ni sur l’eau. Pas le moindre son, hormis le clapotis de l’eau, car le
rivage était si loin que même les insectes de la forêt étaient inaudibles.
Jamais, sauf en haute mer, la trace humaine ne lui avait paru aussi faible,
proche de l’indétectable. » (p. 105)
« Je les imaginais, ces milliers de gens, avançant, sans autre désir que
de plonger de nouveau les mains dans la boue douce et tendre de notre pays des
marées. Je les voyais arrivant, jeunes et vieux, ingambes ou boiteux, leur vie
en balluchon sur la tête, et je compris que c’était d’eux que parlait le Poète
quand il disait :
Chaque obscur retournement du monde
ainsi a ses déshérités auxquels n’appartient plus ce qui était et pas encore ce
qui s’approche (Rainer Maria Rilke, « Septième élégie », in Elégies de Duino) ». (pp. 199-200)
Saigon, Hanoi, 22-24 février
Andreï Makine, La vie d’un homme inconnu (Paris, Seuil, 2009)
Hanoi, 24-25 février
W. Wilkie Collins, La Dame en blanc (XIXe s., Paris Phébus libretto, 1995)
Nanning, Nanning-Pékin, 25-26 février